Les négociations annuelles obligatoires (NAO) représentent un temps fort du dialogue social en entreprise. Encadrées par le Code du travail, elles permettent aux partenaires sociaux d’échanger sur des sujets fondamentaux comme la rémunération, l’égalité professionnelle et les conditions de travail. Comprendre leur déroulement permet d’optimiser ces échanges constructifs. Bon à savoirL’employeur a l’obligation de négocier mais pas de conclure un accord. L’absence d’accord n’entraîne pas de sanction si la négociation a été engagée de bonne foi et dans le respect des délais légaux.
Préparation et cadre juridique des négociations annuelles obligatoires
La phase préparatoire des négociations annuelles obligatoires repose sur un dispositif juridique précis, réorganisé par l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017. Ce texte structure les dispositions selon trois niveaux : l’ordre public (règles impératives), le champ de la négociation collective et les dispositions supplétives. L’employeur doit respecter ces obligations dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives.
Obligations légales de l’employeur pour l’initiation des négociations
Les articles L. 2242-1 à L. 2242-21 du Code du travail imposent à l’employeur d’engager les négociations selon une périodicité définie. Depuis la loi Rebsamen de 2016, trois thématiques structurent ces échanges :
- La rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée (salaires effectifs, intéressement, participation, écarts de rémunération hommes/femmes)
- L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que la qualité de vie et des conditions de travail
- La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans les entreprises de plus de 300 salariés, incluant la transition écologique depuis la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021
La périodicité s’établit annuellement pour les deux premières thématiques. Pour la GPEC, la règle d’ordre public impose une négociation au moins tous les quatre ans. En l’absence d’accord de méthode, les dispositions supplétives prévoient une périodicité de trois ans. Dans tous les cas, chaque thème doit être abordé au moins tous les quatre ans.
Niveaux de négociation et particularités organisationnelles
Les négociations se déroulent par principe au niveau de l’entreprise. Toutefois, elles peuvent se tenir au niveau des établissements ou du groupe sous certaines conditions. Pour les établissements, aucun syndicat représentatif ne doit s’y opposer. Pour le groupe, un accord de méthode doit prévoir cette possibilité ou un accord thématique doit déjà exister à ce niveau.
| Niveau de négociation | Conditions requises | Périodicité minimale |
| Entreprise | Présence de sections syndicales représentatives | Annuelle (ou selon accord d’adaptation) |
| Établissements | Accord de toutes les organisations représentatives | Tous les 4 ans minimum |
| Groupe | Accord de méthode ou accord thématique existant | Tous les 4 ans minimum |
Sanctions et principe fondamental des négociations
Le défaut d’initiative de l’employeur entraîne des conséquences financières. Une pénalité de 10 % de la réduction générale des cotisations patronales (réduction dite « Fillon ») s’applique pour chaque année où le manquement est constaté. Cette sanction peut se cumuler avec une qualification de délit d’entrave au droit syndical.
Le Code du travail établit un principe fondamental : l’obligation porte sur l’engagement des négociations, non sur la conclusion d’un accord. L’employeur doit initier les échanges dans le respect du principe de loyauté. Si aucun accord n’aboutit, un procès-verbal de désaccord consigne les propositions respectives des parties. La pénalité n’est donc pas applicable dès lors que l’employeur a effectivement engagé la négociation, peu important qu’un accord soit conclu ou non.
Identification des participants et constitution des délégations
Dès la phase préparatoire achevée, l’employeur procède à l’identification formelle des participants aux NAO. Cette étape requiert la désignation des délégués syndicaux des organisations syndicales représentatives présentes dans l’entreprise. Conformément à l’article L. 2242-1 du Code du travail, chaque organisation syndicale représentative dispose du droit de participer aux négociations par l’intermédiaire de son délégué syndical. En cas de pluralité d’organisations, chaque organisation représentative peut ainsi désigner son délégué syndical à la table des négociations, garantissant ainsi la représentation effective des salariés.
Constitution des délégations syndicales selon la structure de l’entreprise
La composition des délégations varie selon la présence ou l’absence de sections syndicales dans l’entreprise. Dans les structures disposant de sections syndicales d’organisations représentatives, l’obligation patronale se limite à l’engagement et au déroulement des négociations dans le respect du principe de loyauté. Le délégué syndical de chaque organisation assume un rôle central : il porte les revendications des adhérents, analyse les propositions patronales et formule des contre-propositions étayées par les données transmises via la BDESE.
Les entreprises dépourvues de section syndicale ou d’organisation représentative connaissent un régime allégé. L’employeur doit ouvrir les négociations sans obligation d’aboutir à un accord collectif. Cette distinction procédurale modifie substantiellement la portée des échanges et les enjeux pour les parties.
Dispositif de sauvegarde en cas de carence patronale
Le législateur prévoit un mécanisme correctif lorsque l’employeur néglige d’initier les discussions. Après un délai de douze mois pour les négociations annuelles, ou de trente-six mois pour la négociation triennale sur la GPEC, toute organisation syndicale représentative peut déclencher l’ouverture des négociations. L’employeur dispose alors de huit jours pour informer les autres organisations concernées, puis de quinze jours supplémentaires pour convoquer la première réunion. Cette procédure garantit le respect du dialogue social même en présence d’une direction réticente.
Principe de loyauté dans les échanges
Les parties s’engagent à conduire les négociations dans un esprit de loyauté, conformément à l’article L. 2242-1 du Code du travail. Ce principe impose une transparence réciproque, la communication exhaustive des informations pertinentes et la recherche sincère de solutions partagées. Les délégués syndicaux comme la direction patronale respectent cette règle déontologique qui conditionne la validité des accords conclus.

Transmission des informations et base documentaire pour éclairer les négociations
Avant l’ouverture des NAO, l’employeur assume une responsabilité documentaire déterminante. La communication des données économiques et sociales conditionne la qualité des échanges à venir et respecte le principe d’information préalable inscrit dans le Code du travail.
Obligations documentaires issues de la BDESE
L’employeur transmet aux délégués syndicaux l’ensemble des informations contenues dans la Base de Données Économiques et Sociales. Cette transmission intervient en amont pour permettre une analyse approfondie. Les organisations syndicales, qu’elles soient représentatives ou non de certaines catégories, reçoivent l’intégralité des données, y compris celles concernant les salariés qu’elles ne représentent pas directement. Cette règle garantit une vision globale de la situation salariale dans l’entreprise.
Données obligatoires selon les thématiques de négociation
Pour la thématique rémunération, l’employeur communique plusieurs éléments chiffrés :
| Catégorie d’information | Contenu détaillé |
| Salaires | Moyenne par catégorie professionnelle, répartition hommes/femmes, grille de classification |
| Primes versées | Montants totaux, nombre de bénéficiaires par catégorie, critères d’attribution appliqués |
| Masse salariale | Comptes de charges de personnel, évolution annuelle, projections |
Sur l’égalité professionnelle, les documents présentent les écarts de rémunération entre femmes et hommes, le déroulement comparé des carrières selon le sexe, ainsi que les mesures correctives déjà mises en œuvre. Les informations relatives aux conditions de travail incluent l’articulation vie professionnelle et vie personnelle, l’organisation du temps de travail et les dispositifs d’accompagnement existants.

Déroulement des séances de négociation et méthodes de dialogue social
Les séances de négociation annuelle obligatoire s’organisent selon un cadre précis, établi soit par accord d’adaptation, soit selon les règles supplétives du Code du travail. L’accord de méthode, dont la durée ne peut excéder 4 ans, doit notamment préciser le calendrier et les lieux des réunions, ainsi que les modalités de suivi des engagements souscrits par les parties. Cette structuration garantit la régularité du dialogue social et permet aux différents acteurs de préparer leurs interventions dans des conditions optimales.
Organisation pratique des négociations obligatoires
En l’absence d’accord d’adaptation, l’employeur doit engager chaque année deux négociations distinctes. La première porte sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, incluant les salaires effectifs, l’intéressement, la participation et les écarts de rémunération entre hommes et femmes. La seconde négociation concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que la qualité de vie et des conditions de travail, abordant notamment l’articulation vie professionnelle/vie personnelle et les conditions d’exercice du métier.
Pour les entreprises d’au moins 300 salariés, une négociation au moins une fois tous les quatre ans s’impose sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP). Depuis la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, cette négociation intègre désormais la notion de transition écologique, incitant les entreprises à prendre en compte cet enjeu dans la construction de leur dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Méthodes et principes du dialogue social
La négociation doit impérativement concerner l’ensemble des salariés, sous peine de délit d’entrave à l’exercice du droit syndical. Les séances se caractérisent par un échange de propositions et contre-propositions entre l’employeur et les délégués syndicaux, dans un climat de respect mutuel. Chaque partie formule ses demandes en s’appuyant sur les données économiques et sociales communiquées en amont, permettant ainsi un débat éclairé et constructif.
Si l’employeur n’a pas pris l’initiative d’ouvrir une négociation dans un délai de plus de douze mois pour les négociations annuelles, ou de plus de quarante-huit mois pour la négociation quadriennale, celle-ci s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative. La demande doit être transmise par l’employeur aux autres organisations représentatives dans les huit jours, et la première réunion organisée dans les quinze jours suivant cette transmission.

Finalisation et suivi : accord, désaccord et accompagnement spécialisé
À l’issue des séances de négociation, deux situations peuvent se présenter selon que les parties parviennent ou non à un consensus sur les thèmes abordés. La conclusion d’un accord collectif constitue l’aboutissement souhaité du processus de négociation annuelle obligatoire, matérialisant les engagements réciproques sur la rémunération, le temps de travail, l’égalité professionnelle ou la qualité de vie au travail. Cet accord doit faire l’objet d’un dépôt auprès de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) pour être opposable aux salariés de l’entreprise.
Les issues possibles de la négociation et leurs conséquences juridiques
Lorsque les discussions n’aboutissent pas à un accord, les parties établissent un procès-verbal de désaccord consignant les propositions respectives formulées durant les séances. Ce document retrace fidèlement les positions défendues par l’employeur et les délégués syndicaux, permettant de démontrer que la négociation s’est effectivement tenue conformément aux obligations légales. L’absence d’accord n’entraîne aucune sanction si l’employeur a bien engagé la négociation dans les délais prescrits et fourni les informations nécessaires à la délégation syndicale. Cette obligation porte sur l’engagement des discussions, non sur leur aboutissement.
Le suivi des engagements souscrits dans les accords conclus revêt une importance capitale pour garantir leur application effective. Les modalités de suivi doivent être précisées dans l’accord lui-même, incluant généralement des réunions de bilan périodiques permettant de vérifier la mise en oeuvre concrète des mesures négociées. Les organisations syndicales disposent d’un droit d’alerte en cas de non-respect des engagements, pouvant saisir l’inspection du travail pour faire constater les manquements éventuels.
Les recours possibles et le contrôle de l’inspection du travail
En cas de carence de l’employeur dans l’engagement des négociations, les syndicats représentatifs peuvent déclencher l’ouverture obligatoire des discussions après un délai de douze mois pour les négociations annuelles ou trente-six mois pour la négociation triennale sur la GPEC. L’inspection du travail intervient pour contrôler le respect des obligations de négociation et peut constater le délit d’entrave à l’exercice du droit syndical, passible d’une amende de 3 750 euros et d’un emprisonnement d’un an. Les salariés disposent également de la possibilité de saisir le Conseil de prud’hommes en cas de non-application des dispositions conventionnelles les concernant directement.
L’accompagnement de CE Expertises dans la préparation des NAO 2025
Cabinet d’expertise comptable spécialiste du CSE, CE Expertises accompagne les instances représentatives du personnel dans la préparation des négociations annuelles obligatoires depuis plusieurs années. Leur expertise repose sur l’analyse approfondie des données économiques et sociales issues de la BDESE, permettant d’éclairer les négociations par des éléments chiffrés fiables et vérifiables. Le cabinet fournit aux élus du CSE les outils nécessaires pour formuler des propositions argumentées lors des séances de négociation, en s’appuyant sur une comparaison sectorielle et une évaluation précise de la situation financière de l’entreprise.
L’approche conseil développée par CE Expertises vise à optimiser le dialogue social en identifiant les marges de manoeuvre disponibles pour améliorer la rémunération globale des salariés. Cette démarche inclut l’examen des dispositifs de participation et d’intéressement, l’analyse des écarts de rémunération entre catégories professionnelles, ainsi que l’évaluation des mesures relatives à la qualité de vie au travail. Reconnu comme référence dans le secteur, le cabinet propose un accompagnement spécifique pour les NAO 2025, intégrant les évolutions législatives récentes et les nouvelles obligations en matière de partage de la valeur ajoutée. Leur intervention s’étend également à la négociation d’accords stratégiques sur les consultations récurrentes du CSE, permettant aux élus de sécuriser leurs prérogatives tout en adaptant les modalités de consultation aux spécificités de leur entreprise.

L’essentiel à retenir sur les négociations annuelles obligatoires
Les NAO constituent un rendez-vous incontournable du dialogue social moderne. Bien menées, elles renforcent la cohésion sociale et favorisent la performance collective. L’évolution réglementaire tend vers plus de souplesse dans l’organisation, tout en maintenant l’obligation de négocier de bonne foi. Les entreprises qui investissent dans la préparation et l’accompagnement de ces négociations créent les conditions d’un dialogue social rénové et constructif.